Il arrive qu’en vieillissant, certaines femmes et certains hommes au caractère jusqu’alors doux et bienveillant deviennent, peu à peu, des personnes âgées méchantes vis-à-vis de leurs proches et des personnes qui les entourent — un syndrome, si l’on peut le qualifier comme tel, immortalisé par exemple avec le personnage de Tatie Danielle. Mais pour certaines familles, cette affliction n’a malheureusement rien d’une fiction, et rend le quotidien et le soin de leur proche âgé particulièrement pénible, quand elle n’amorce pas un conflit ouvert entre les deux parties lorsque la frustration prend le dessus. Qu’il s’agisse d’une forme de persécution verbale, avec des insultes et accès de colère, ou encore des paroles déplacées, voire même d’une agressivité physique, à l’encontre de ses proches ou de son environnement, il y a de quoi être déconcerté pour ne pas dire désespéré lorsqu’on en vient à ne plus reconnaître un parent âgé. Comment alors faire face à une telle situation ?
Comprendre l’origine de l’agressivité
Pour apprendre à gérer les personnes âgées méchantes, il est d’abord nécessaire de les comprendre, et de réaliser d’où vient ce changement parfois brutal de caractère. C’est qu’avec la perte d’autonomie et de mobilité qui accompagne le grand âge, c’est un véritable échec personnel que l’on vit. Si la vieillesse est déjà accompagnée d’une certaine détérioration, on atteint pour la première fois un stade où l’on se retrouve dépendant à l’égard de son entourage, et ce pour accomplir même les tâches les plus basiques et intimes. C’est donc souvent la frustration face à ce sentiment d’impuissance face à la fatalité qui génère cette agressivité. Cela n’a d’ailleurs rien de propre au grand âge : pensez à ces automobilistes qui se mettent à taper du poing et klaxonner lorsqu’ils se retrouvent coincés dans des embouteillages, ou à la manière dont le sentiment d’être victime d’une injustice (qu’il soit d’ailleurs justifié ou non) peut plonger une personne dans une rage folle.
La douleur psychologique
De la même manière, la douleur psychologique qui accompagne cette perte d’autonomie, tout comme des afflictions d’ordre physique, peuvent tendre la personne âgée. Là encore, ce n’est pas propre au grand âge : une migraine dont on ne sait comment se débarrasser peut elle aussi faire basculer dans la rage, ou du moins avoir le don de rendre la moindre contrariété particulièrement irritante. Or, ces petits maux deviennent permanents passé un certain âge — tout comme l’irritation qui peut donc les accompagner. Par ailleurs, le changement de personnalité peut très bien être d’ordre pathologique, entre des lésions cérébrales responsables de dysfonctionnement cognitifs affectant la personnalité, ou la maladie d’Alzheimer et la sénilité en général.
Prise de contrôle
Vous l’aurez compris, donc, ce n’est pas toujours une transformation dû à l’âge lui-même (quoi qu’elle puisse effectivement trouver sa source dans une détérioration des facultés cognitives ou dans la sénilité), mais bien plutôt une réaction à un affaiblissement vécu comme douloureux, humiliant et injuste. Pour certaines de ces personnes, l’agressivité est d’ailleurs en quelque sorte un moyen de reprendre le contrôle face à la dépendance, ou encore de communiquer un mal-être qu’on ne sait ou ne veut formuler autrement. Pour de nouveau employer une analogie qui n’est pas propre aux personnes âgées, il suffit de penser aux nouveau-nés et enfants en bas âge, qui n’ont souvent que leurs cris et leurs larmes pour alerter leurs parents quant à leurs besoins.
Faire preuve de patience et de bienveillance
Il en découle que la première manière d’appréhender ce changement d’état chez votre proche âgé est de ne pas en faire une affaire morale. Parler de « méchanceté » réduit finalement ce qui est le signe d’une affliction plus profonde à une simple faillite morale. Il faut plutôt tâcher de faire preuve de compréhension et de bienveillance, aussi difficile que cela puisse paraître lorsqu’une personne aimée se montre cruelle envers nous, en tentant d’identifier les changements récents qui auraient pu causer cette détresse, qu’il s’agisse de la disparition d’un de ses proches, d’une douleur physique ou d’un problème mental, d’une réduction des facultés cognitives, d’une progression de la sénilité, d’un déménagement en maison de retraite ou milieu hospitalier, ou même d’une situation de maltraitance vécue par la personne agressive elle-même. Au contraire, en prenant ces attaques de manière personnelle, on risque d’envenimer le conflit et de pousser plus encore la personne agressive dans ses retranchements en la confortant dans son sentiment d’injustice et de persécution. Bien entendu, cela est plus facile à dire qu’à faire, mais il faut néanmoins s’efforcer d’agir en adulte et de faire preuve de la sagesse qui fait défaut désormais à notre aîné.
Tâchez de vous montrer patient
Autrement dit, ne cherchez pas à combattre le feu par le feu, et ne faites pas à votre tour preuve d’agressivité à l’égard de votre proche. Ne le forcez pas non plus à se nourrir s’il n’en a pas l’envie, ou à communiquer s’il demeure mutique. Aussi irritant que vous paraissent leur agressivité et leurs caprices, tâchez de vous montrer patient. Demeurez présent dans leur vie même si cela requiert beaucoup d’efforts, car l’agressivité dénote paradoxalement souvent un besoin de présence et d’affection. Vous pouvez manifester cette dernière physiquement avec des caresses ou des câlins délicats si la personne en question y est réceptive, ou vous contenter d’attendre patiemment la fin de la crise ou tenter de créer une diversion à celle-ci, en changeant de sujet. Pas toujours facile à encaisser bien sûr, et il est possible de craquer, mais efforcez-vous de ne pas reporter cette colère et cette frustration que vous ressentez à votre tour à son encontre (au contraire, si vous en venez à ressentir ces émotions, répétez-vous que c’est sans doute parce qu’elle les ressent également que la personne agit de cette manière), en gardant à l’esprit que c’est sans doute l’autre qui souffre le plus de sa situation.
Menez l’enquête
Il s’agit donc de mener l’enquête sur les causes de ce changement d’humeur. Et pour cela, mieux vaut se montrer subtil que de confronter directement le principal intéressé avec des questions directes (« pourquoi est-tu comme cela ? », etc.), au risque que celui-ci s’enterre dans la dénégation. Posez plutôt des questions à son entourage direct, qu’il s’agisse de proches fréquentés régulièrement ou du personnel soignant, et tâchez de repérer parmi les causes suscitées celles qui pourraient être présentes chez votre proche.
De la même manière qu’on change parfois plus ou moins de caractère à l’adolescence et qu’on entre en conflit avec ses parents ou son entourage (on parle bien à cet âge-là de « crise d’ado »), il y a de quoi être déboussolé par les transitions qui accompagnent le grand âge. Passez donc au peigne fin tous les changements majeurs (ou même mineurs d’ailleurs, ce qui est précisément ce qui rend cette enquête pas si évidente) qui auraient pu survenir dans le quotidien de votre proche. Une fois comprise l’origine de sa détresse, il est désormais beaucoup plus simple pour vous de faire preuve de patience et de compréhension à l’égard de la personne agressive.
Demandez de l’aide
La plupart d’entre nous ne sommes ni des experts du troisième âge, ni de la santé mentale. Il est normal d’être donc pris au dépourvu lorsque l’on se retrouve confronté à cette situation. Tout comme il n’existe pas de mode d’emploi pour être parent, et qu’on se doit d’improviser l’éducation de ses enfants à la manière d’un enfant qu’on jette à l’eau est « forcé » d’apprendre à nager (ce qui dans un cas comme dans l’autre n’est pas sans générer des traumatismes chez certains), il n’existe pas non plus de mode d’emploi pour voir ses parents vieillir et se détériorer. Tout le monde doit improviser avec les aléas de la vie, et la vieillesse n’est pas aussi clémente pour tous : voir son proche perdre la tête et devenir violent avec son entourage est parfois plus cruel qu’un décès prématuré.
Les conseils à garder en tête :
la première, c’est que le cœur et la raison ne fonctionnent pas toujours main dans la main, et que même si l’on a beau se convaincre qu’il faille faire preuve de patience et de compréhension, il arrive que les émotions et la frustration l’emportent ;
la seconde, c’est qu’aussi rempli de bonne volonté et armé de patience vous puissiez être, une aide extérieure d’un professionnel de la santé mental et de la gériatrie est souvent salutaire. Il ne faut pas culpabiliser de ne pas trouver de solution par soi-même.
Ce soutien vous permettra déjà à vous de ne pas basculer dans l’aigreur à l’égard de votre proche. Si la proximité est généralement bénéfique à ce dernier, cela ne doit pas se payer au coût de votre propre santé mentale — ce qui finirait en plus par se révéler contre-productif si vous commenciez vous-même à attiser le conflit. En outre, la délégation à des personnes tierces peut parfois être mieux acceptée par la personne concernée, qui pourra se livrer plus facilement à celles-ci.
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